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LA LÉGENDE DE L'INCUNABLE

Le Lys Bleu Editions

Voyage au cours des siècles entre suspense et intrigues historiques, avec en toile de fond, l'épopée du Saint Suaire de Turin et l'histoire de la Maison de Savoie

Extraits choisis

LE MANTEAU D'ELSA

En cours d'écriture

1953 - Fuite du jeune Danilo, ouvrier d'une filature à Biella (Italie) vers Paris. 50 ans après, la découverte du manteau d'Elsa fait ressurgir le passé, blessure ouverte pour Danilo devenu un homme

Extraits choisis période 1953

An 1997 - Chambéry

Le commissaire Georges Demarino et le libraire Ugo Giada

Le policier poursuit.

— Donc, le livre vous a été confié par ce professeur Berchtein dans la journée du deux.

— C’est exact, et c’est d’autant plus regrettable que le propriétaire du livre n’est pas revenu me voir et que, l’incunable, a été dérobé dans ma boutique.

— Pourriez-vous m’éclairer sur ce qu’est un incunable ? J’achoppe toujours sur ce mot. Vous comprenez, un inculte tel que moi, est fort intéressé par ce type de livre, aussi bien pour ma culture personnelle que par le fait que cette pièce du puzzle est un indice majeur pour l’affaire qui vous concerne.

— Vous croyez ? formule Ugo.

Au moment où il prononce cette phrase, il a le sentiment de réveiller l’ours mal léché assis en face de lui. Il enchaîne.

— Un incunable est un terme désignant les œuvres imprimées avant 1500. Ce mot vient du latin incunabula qui signifie langes ou berceau. Avant l’invention de l’imprimerie, à la fin du XVe siècle, tous les livres étaient copiés un à un, à la main. Ces documents d’un autre âge sont de véritables œuvres d’art conçus par des artistes. L’ouvrage que m’a laissé le professeur Paul Berchtein est décoré d’enluminures. Ces dernières indiquent que notre livre provient sûrement du Moyen-Orient, plus précisément de Perse, des centres d’artistes de Tabriz, de Chiraz ou bien de Harat.

Ugo marque une pause. Saisissant l’occasion, le commissaire Demarino reprend les rênes

.......

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An 1452 - En Savoie

Le Duc Louis de Savoie et la Duchesse Anne

— Approche, Louis, c’est magnifique.

Le duc s’exécute. Ses yeux s’illuminent.

— Mon Dieu ! Mais c’est…

— Oui, oui ! Le DRAP MORTUAIRE qui a enveloppé le corps du Christ après sa crucifixion. C’est vraiment fabuleux. Il nous appartient, il appartient maintenant à la Maison de Savoie. Vite, déplions-le !

Au fond du coffre gît un drap plié méthodiquement, sans faux pli. Chacun le prend d’un côté. Ils le déploient sur la longue table.

Le duc retient sa respiration. Ce n’est pas n’importe quel drap. À ce moment, il comprend les propos de sa femme sur l’attrait universel de ce Mandylion. Un long silence plane, oppressant, rompu par intermittence par les pas scandés du duc qui tourne, virevolte, s’arrête, repart comme un animal en cage. Ce manège, ce piétinement autour de la table est magnifié par des regards triomphants lancés vers la duchesse.

— Que c’est magnifique, Anne ! Tu as eu raison d’insister. Un bijou qui va faire des envieux parmi les Grands.

— Des pouvoirs surnaturels lui sont attribués. Regarde bien, Louis, regarde ce visage tuméfié. C’est une vraie icône divine.

— Ce drap de lin a donc bien enveloppé le corps du christ après sa descente de la croix. Anne, vois-tu les traces de la couronne d’épines ?

Tout en se rapprochant, elle observe le tissu imprimé.

— Oh, mon Dieu ! Que c’est horrible ! Ce qu’il a dû souffrir !

Louis a soudain un doute.

— Es-tu certaine que ce n’est pas un faux ?

— Vrai ou faux ! Quelle importance ! Que ce tissu ait enveloppé le supplicié du mont Golgotha ou un autre homme atrocement torturé, peu importe ! La vision de cette relique unique entraîne une réaction de grande émotion, qui va au-delà de la puissance mystique de ce linceul.

— Tu as raison, peu importe qui est ce supplié ! Peu importe si ce linge a enveloppé le corps du christ !

.......

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An 1578 - Turin Italie

Le duc Emmanuel Philibert

et le poète Marc Claude de Buttet

— La duchesse Marguerite de Savoie vous accordait son amitié. Vous étiez, comme elle le disait, Mon féal et chéry seigneur de Buttet.

— Je regrette votre Dame. Après sa disparition, j’ai publié un poème de vingt-quatre sonnets pour la célébrer. Elle était aimée de tous et de nul blâmée. Elle était adorée de tous vos sujets.

À cet instant, Emmanuel Philibert se retourne. Le pourpoint en brocard ébène brodé par bandes verticales régulières travaillées en fils dorés, rehausse le teint pâle du seigneur de Savoie. Il tient machinalement le pommeau de son épée retenue par une fine ceinture. L’illusion de sa taille de guêpe est révélée par ce ceinturon qui entoure le pourpoint et par son haut de chausse bouffant.

Marc Claude regarde la légèreté de la plume d’or planté sur le rebord de la coiffe, sorte de calotte noire brodée tout autour de cercles d’or. En baissant les yeux, il constate une fraise minuscule cachée par le haut col du pourpoint qui ceint le cou. Son regard s’arrête sur la croix sculptée qui pend au bout d’une chaîne provenant sûrement d’un orfèvre de renom tant que la beauté de ce bijou est admirable.

— Avant mon départ, je vais aller me recueillir à la nécropole de la Maison de Savoie, en l’abbaye de Hautecombe et déclamer ce poème que sa grandeur m’a inspiré :

« Celle qui tant rendit la France florissante,

Et des muses lui fit la jouissance avoir

Et qui épouse d’un duc de grand pouvoir

Fille d’un puissant roi, sœur de roi, de roi tante

Bref celle que l’on vit à bon droit renommer

ainsi qu’un seul Phénix de l’une à l’autre mer,

dans cet obscur tombeau qu’un marbre froid enserre…

Ici comme tu vois, n’est qu’un petit de terre… »

(Le tombeau de Marguerite de France – Annecy 1575)

— J’avoue que vous allez nous manquer. Revenez vite ! .....

An 1953 - Lac de Viverone, Italie

  • Allez Danilo. Le premier à la Punta Cunéo !

Appuyant sur les pédales, penché sur son guidon recourbé, Ivano accélère. Il manœuvre  avec brio sa bicyclette Olmo de couleur grise. Ecrasant son pédalier avec ses gros godillots, frottant son pantalon sur la selle racée de cuir brun, le jeune garçon donne à son allure une impressionnante idée de vrai coureur professionnel.

Dans sa course folle le long de la voie Becco di cigno, Ivano est rattrapé par Delfino qui se colle à sa roue arrière. Couché sur son vieux vélo, bras tendus sur un guidon droit, l’adolescent s’élance à l’assaut de son camarade pour essayer d’être le premier.

Derrière les deux fougueux, Danilo modère son allure pour garder du jus pour le retour à Biella. Environ vingt-cinq à trente kilomètres du lac de Viverone à Biella, distance déjà parcourue pour accéder à cet endroit idyllique. En cette journée d’automne, Danilo ne cesse de s’émerveiller. Il se promène simplement en poussant délicatement les pétales de sa bicyclette Bianchi et admire le paysage.

Le plan d’eau recèle des multitudes de perles scintillantes sur la surface de l’eau où glissent les cygnes blancs et les canards flamboyants. La vigne aux raisins gonflés offre ses plus beaux atours avec ses feuilles mordorées et rouge, les arbres s’effeuillent petit à petit en une pluie fine et légère qui se déverse sur les racines apparentes qui disparaissent sous un tapis ocre jaune. Il est assurément heureux : endroit magnifique, deux amis, la liberté. La journée ne fait que commencer.

Le jeune homme arrive enfin au lieu du rendez-vous. Sur l’herbe défraîchie, deux vélos gisent, jetés sans précaution au sol, roues arrière grinçantes dans son mouvement perpétuelle.

Repérant un arbre à l’écorce fine, il y installe son Bianchi au cadre vert céleste. Son vélo, c’est son outil de travail et son outil d’évasion. Il le bichonne, le répare, l’agrémente. Ce compagnon avale des kilomètres et des kilomètres à l’aide du tonus de son maitre. Grand et musclé, Danilo a une stature d’athlète qui lui confère de la prestance. La semaine, il travaille à la lanificio fratelli Cerrutti installée le long du cours d’eau le Cervo, entreprise, de filage qui permet de fabriquer les fils à partir de fibres et, de tissage pour composer du tissu. Il est préposé à la réception des gros ballots de laine ficelés comme un rôti de bœuf provenant de pays lointains comme la Chine, la Nouvelle Zélande, la Mongolie… Ces gros sacs contiennent de la laine brute tondue sur l’animal. Son premier travail consiste à apporter chaque ballot, à en déballer le contenu, à laver la laine pour dégorger la saleté. Ensuite, il transporte les boules de matière dans une salle prévue au séchage par un système d’égouttage pour que la laine se réhydrate lentement.

Des trois garçons, Danilo est le plus jeune de quelques mois. Treize ans, bientôt quatorze. Suit ensuite Delfino, puis Ivano.

Delfino est bagagiste à l’hôtel Sella e stabilimento idroterapico à Andorno. Il réceptionne les curistes, porte les valises, empoche les maigres pourboires souvent inexistants.

Quant à Ivano, son père est patron de l’entreprise Filatura e tessitura Lazzaroni à Biella le long du cours d’eau Cervo. Il profite des largesses de son paternel et poursuit des études de comptable. A part l’amitié, un autre lien unit les trois garçons. Le père d’Ivano, Fausto Lazzaroni, a embauché comme chauffeur le père de Delfino, Gilberto Pozzi et comme comptable le père de Danilo, Fabio Odilio.

  • Danilo, nous avons ramassé des pierres plates. Allez, viens vite. Je commence, lance Delfino.

Elégamment, avec un geste précis, il lance sur le plat de l’eau un caillou blanc.

  • Un, deux, trois, quatre, cinq. Attends, Delfino, je vais faire mieux, rétorque Ivano qui se positionne déjà le long de la berge.

  • Un, deux, trois, quatre, cinq, six, comptent en cœur Delfino et Danilo.

  • A moi, la partie est difficile. Vous êtes en forme, souffle Danilo dont le moral est mis à bas devant tant de réussite.

Après plusieurs échanges, Ivano sort vainqueur avec huit plats sur l’onde tranquille du lac. Deux cygnes furent effrayés par les cris des gamins et les perturbations ondiques de l’eau. Grande gueule, et fier de l’être, le fils du patron n’aime pas perdre.

Delfino dégrafe sa besace qu’il avait bien calée sur son porte-bagage.

  • Pain, saucisson. Cela vous convient. Palmira, Mia Mama, nous a préparé des casse-croûtes. Eeeeeet (il insiste sur le mot) ……la surprise ! (il extirpe de son sac une bouteille). J’ai pris une bouteille de Bramaterra dans la cave de mon père.

Les chenapans se ruent sur la nourriture et à tour de rôle, boivent une gorgée au goulot en s’essuyant la bouche avec le revers de la main. Des rires s’infiltrent dans les bosquets, glissent sur l’eau et réchauffent l’air légèrement froide d’une agréable journée d’automne......

Bike Ride Scenic
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An 1953 - Paris - France

Solange Lesage enfile son manteau, salue tout le monde et d’un pas précipité, descend les escaliers puis sort de l’Hôtel de fontpertuis, où la Maison Elsa Schiaparelli a élu domicile, pour se trouver place Vendôme. Elle s’éloigne de son lieu de travail atypique pour l’époque, bâtiment de cinq étages, quatre-vingt-dix-huit pièces et une boutique en rez-de-chaussée, entièrement décoré par des artistes tels que Jean Michel Frank, Albert Giacometti.

Chevelure brune cachée sous un foulard chamarré bien noué sous le cou, Solange est un petit bout de femme pétillante, pas très belle mais élégante, ce qui lui confère une certaine classe. Pour rentrer chez elle, son chemin piétonnier est parfois bien agréable, parfois bien bruyant et dangereux. Quand elle arrive rue de Rivoli, le vacarme des voitures est assourdissant et la traversée vers le parc des Tuileries est un véritable enfer. Solange s’avance vers le passage clouté où est érigé un feu tricolore. La couleur verte est « le laisser passer » des véhicules qui s’infiltrent dans le trafic dense de la Capitale où s’entrecroisent des autos, des deux roues, des autobus. Dès que le feu passe au rouge, ces êtres métalliques s’arrêtent contraint et forcé, presqu’en colère. Solange et les autres piétons en profitent pour traverser. La cohue est réelle sur ce passage, chacun se frayant un chemin dans l’enchevêtrement des parisiens pressés de rejoindre le trottoir d’en face, peur du rideau formé par les engins à moteur qui ne ronronnent pas. Les scooters vrombissent, les vélos solex pétaradent, les voitures toussent projetant une fumée blanche et noire au niveau des pots d’échappement, les autobus bourdonnent, les fourgonnettes ronflent, tous impatients. Dès que le départ est donné, le bruit s’élève, l’atmosphère redevient irrespirable, et une flopée de véhicules colorés s’élance à la conquête du boulevard. La dangerosité est latente, les deux roues sont à l’assaut des voitures thermiques. Qui va gagner dans ce capharnaüm ? Devant cette anarchie, les autobus et les camionnettes bâchées essaient de s’imposer forçant le passage grâce à leur envergure, mais la tâche est difficile. Les deux roues, vélos, scooters, triporteurs, solex, s’infiltrent sur les côtés ou bien se positionnent au centre de la route ce qui invitent les automobilistes a les invectivés avec des frénésies de coup de klaxon, des mots choisis, des gestes obscènes. Solange traverse le parc des Tuileries en empruntant des allées bien balisées par des parterres fleuris en compagnie de promeneurs avec ou sans chiens en laisse, d’enfants qui jouent, de mamans qui promènent leur progéniture dans des poussettes poussives aux grosses roues. Sur les plus hautes branches des arbres, les oiseaux chantent mais leurs cris sont étouffés par la circulation proche.

Elle débouche de l’autre côté sur le quai le long de la Seine à proximité du Pont de la Concorde. Pendant la traversée, elle repère des péniches voguant sur le cours d’eau, un gamin en culotte courte qui pousse une voiturette sur les pavés des berges, un pêcheur en casquette, veste et pantalon noir qui tient sa canne pour attraper le goujon. Arrivée boulevard Saint Germain, elle guette le bus Somua Panhard de couleur verte en bas et beige en haut, elle monte par la porte arrière pliante, paie son passage au receveur et elle s’assied......

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